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Pesticides

2 février 2016

Cash Investigation.

Produits chimiques : nos enfants en danger

Elles s’appellent Syngenta, Monsanto, Bayer ou Dow, vous ne les connaissez peut-être pas. Ce sont des multinationales de l’agrochimie qui fabriquent les pesticides utilisés dans l’agriculture. Leurs produits se retrouvent dans les aliments, dans l’eau du robinet et même dans l’air que l'on respire. Certains sont cancérigènes ou neurotoxiques, d’autres sont des perturbateurs endocriniens particulièrement dangereux pour les enfants. "Cash Investigation" a eu accès à une base de données confidentielles sur les ventes de pesticides en France, produit par produit, département par département, entre 2008 et 2013. En moyenne, ce sont près de 65 000 tonnes de pesticides purs qui sont épandues chaque année sur notre territoire. Aujourd’hui, l’Hexagone est le premier consommateur de produits phytosanitaires en Europe.

Des molécules dangereuses
Depuis 1980, les cancers infantiles augmentent de 1% par an en France, soit environ 2 500 cas supplémentaires chaque année. C’est la deuxième cause de mortalité chez l’enfant. Existe-t-il un lien entre ces maladies et l’exposition aux pesticides ? Pour les scientifiques du monde entier, il n’y a plus guère de doute.
Le folpel produit par Bayer, l’atrazine de Syngenta ou le chlorpyrifos-éthyl de Dow Chemical. Derrière ces noms inconnus du grand public se cachent des molécules aux risques sanitaires avérés. Des molécules qui rapportent des milliards d'euros aux multinationales. Après un an d'investigation en France, en Allemagne, en Suisse ou aux Etats-Unis, "Cash Investigation" révèle comment certains produits mettent nos enfants en danger.

La démocratie polluée par les pesticides
Le dernier volet de l’enquête a conduit l'équipe de "Cash Investigation" à Hawaï. Le climat de cet archipel paradisiaque permet quatre récoltes par an. C'est pourquoi les multinationales y testent leurs produits. Dans ce qui est probablement le plus grand labo à ciel ouvert d’expérimentation d’OGM au monde, elles font un usage massif de pesticides. On y recense dix fois plus d’anomalies congénitales que la moyenne aux Etats-Unis. La mobilisation des citoyens a permis de faire passer une loi locale pour limiter les dégâts. Les industriels ont immédiatement répliqué, attaquant cette loi devant les tribunaux, et ils ont gagné. A Hawaï, au grand jeu de la démocratie, c’est la chimie qui l’emporte.

Elise Lucet s’invite chez Bayer
Le groupe Bayer commercialise du folpel, un pesticide qui est peut-être cancérigène et qu'on retrouve dans l'air de toutes les régions françaises. Elise Lucet s'est invitée à l'assemblée générale des actionnaires.

Pesticides : des substances toxiques, invisibles et omniprésentes

3.02.2016 -- 97 % d’aliments contenant des résidus de pesticides ; les enfants exposés à près de 130 polluants chimiques chaque jour ; une industrie partagée entre six multinationales – Syngenta, Bayer, Dow, Monsanto, BASF et Dupont – qui règnent sur un marché de 50 milliards d’euros… Voici quelques chiffres glanés dans l’enquête édifiante de « Cash Investigation », diffusée mardi 2 février sur France 2, sur les pesticides et leurs dangers pour la santé.

Mettant en relief cette exposition aussi invisible qu’omniprésente, du Bordelais à Hawaï en passant par la Californie, le documentaire révèle, surtout, les chiffres des ventes de pesticides département par département et molécule par molécule, synthétisés dans cette carte. L’occasion de faire le point sur les effets de mieux en mieux connus de ces substances chimiques sur la santé humaine et l’environnement.

La santé des agriculteurs en première ligne
Dangereux, les pesticides peuvent l’être d’abord, de manière directe, pour les agriculteurs. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime ainsi que l’intoxication avec ces produits, qu’il s’agisse des insecticides, des herbicides ou des fongicides, cause quelque 250 000 décès par an. En France, un des cas les plus emblématiques de ces intoxications aiguës est celui du céréalier Paul François, dont la vie a basculé le jour où il a inhalé par inadvertance des vapeurs du Lasso, un herbicide pour le maïs. Victime de violents malaises, souffrant depuis de troubles neurologiques, il a attaqué la firme Monsanto en justice, qui a été condamnée à l’indemniser entièrement – une première dans le monde agricole.
Expositions aiguës ou chroniques, la Mutualité sociale agricole recense quarante-cinq cas de personnes ayant obtenu la reconnaissance en maladie professionnelle de pathologies dues aux pesticides (données 2010) – un bilan largement sous-estimé, selon l’association Générations futures. En 2012, la maladie de Parkinson a notamment été reconnue comme maladie professionnelle, avec un lien de causalité explicite entre cette pathologie – seconde maladie neurodégénérative en France après Alzheimer – et l’usage des pesticides.

Un impact sanitaire généralisé
L’exposition aux pesticides dépasse largement le monde des agriculteurs, touchant notamment des personnes particulièrement vulnérables comme les femmes enceintes, les nourrissons et les enfants. Cette exposition à de faibles doses, mais quotidienne et sur une longue durée, mêle des dizaines de substances chimiques différentes, provoquant un inquiétant « effet cocktail » qui n’entre pas en considération dans l’évaluation des substances chimiques, testées une par une pour leur homologation.
Or, parmi les pesticides sur le marché, on trouve des produits classés CMR – cancérogènes, mutagènes (pouvant produire ou augmenter la fréquence de défauts génétiques héréditaires) ou reprotoxiques (nocifs pour la fertilité) –, ainsi que de possibles perturbateurs endocriniens, capables d’interférer avec le système hormonal, même à des niveaux d’exposition très faibles.
A l’heure actuelle, il n’existe toujours pas de définition réglementaire de ces perturbateurs endocriniens. Toujours est-il que les troubles de la fertilité, par exemple, explosent. En France, environ 15 % des couples en âge de procréer consultent pour infertilité. Et la concentration en spermatozoïdes a chuté de près d’un tiers entre 1989 et 2005. Quant aux enfants qui naissent, ils arrivent au monde « prépollués » par des polluants organiques persistants, substances toxiques et résistantes qui s’accumulent dans le corps et sont notamment issues de pesticides.
Toutes ces substances chimiques sont fortement suspectées dans plusieurs maladies émergentes en lien avec le dérèglement du système hormonal : diabète de type 2, obésité, cancers hormonodépendants (sein, prostate, thyroïde) et troubles neuro-comportementaux (troubles de l’attention, hyperactivité, etc.). On constate une hausse effarante de ces pathologies. Aux Etats-Unis, 35 % de la population est obèse et la moitié est diabétique ou prédiabétique. Un enfant sur six est concerné par un trouble du développement (troubles neuro-comportementaux, retard mental, handicaps moteurs, etc.). Toujours outre-Atlantique, l’autisme – pour lequel les pesticides organophosphorés figurent parmi les suspects – a plus que doublé en moins de dix ans, et concerne un enfant sur 68 (autisme profond, syndromes de Rett et d’Asperger, etc.).
Ces pathologies ne seraient que la partie émergée d’une érosion des facultés cognitives – sachant que de nombreux perturbateurs endocriniens et polluants chimiques comme les pesticides sont suspectés de porter atteinte au développement du cerveau. Une étude sur une famille courante d’insecticides – les pyréthrinoïdes –, retrouvés chez des enfants de 6 ans, montre par exemple que les enfants les plus exposés présentaient des capacités de mémorisation et de compréhension verbale significativement inférieures aux autres.

Dégradation de l’environnement
Au-delà de la santé humaine, les pesticides sont responsables d’émissions de gaz à effet de serre, mais aussi de pollution des sols, de l’air et de l’eau. Pour parler uniquement de ce dernier cas, 63 % des points de surveillance des eaux souterraines métropolitaines et 93 % de ceux des rivières en surface contiennent des pesticides, au moins une dizaine de substances différentes dans la majorité des cas. En quinze ans, plus de 2 000 points d’alimentation d’eau, trop pollués, ont été fermés.
Finalement, la biodiversité dans son ensemble en pâtit. Outre la destruction des micro-organismes dans le sol, les insectes, et notamment les insectes pollinisateurs, sont les premiers touchés. Une étude a montré que les abeilles domestiques et les bourdons sont même attirés par les plantes traitées aux néonicotinoïdes, une famille d’insecticides suspectés dans l’effondrement de leurs populations. L’abondance de bourdons et d’abeilles solitaires est en effet réduite de moitié dans les champs ayant reçu un traitement systémique à base de clothianidine (où les semences ont été enrobées du principe actif) par rapport aux champs témoins, exempts du néonicotinoïde. Malgré les appels en faveur de leur interdiction, le plan national de réduction des pesticides – Ecophyto 2 – n’interdit toutefois pas de nouveaux insecticides de cette famille des néonicotinoïdes.