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NACO

Pradaxa, Eliquis, Xarelto :

Alerte sur des médicaments anticoagulants

20 septembre 2013 -- Les autorités sanitaires mettent en garde contre les risques d'hémorragies entraînés par une nouvelle classe d'anticoagulants, apparus depuis 2008, le plus souvent prescrits pour prévenir les risques d'accident vasculaire cérébral (AVC).

Selon certains spécialistes, l'affaire fait office de "bombe à retardement" et pourrait dépasser le scandale du Mediator. Dans une lettre adressée à la ministre de la Santé Marisol Touraine, le syndicat des jeunes biologistes médicaux met en garde contre la prescription massive d'une nouvelle mollécule d'anticoagulants qui ne possède aucun antidote en cas d'hémorragie induite par son utlisation.

Apparu il y a cinq ans, ce nouveau type de médicaments anticoagulants, appelé NACOs (pour Nouveaux anticoagulants oraux), est prescrit pour lutter contre les risques d'embolie, d'infarctus, de phlébites ou d'AVC en empêchant la formation de caillots. Ils correspondent à trois médicaments: Eliquis (Bristol-Myers Squibb et Pfizer), Pradaxa (Boehringer Ingelheim) et Xarelto (Bayer Santé).

Ces NACOs servent à remplacer une ancienne gamme de traitements, les AVKs (pour antivitamine K). Une molécule efficace mais dont l'utilisation contraint les patients à effectuer de nombreux tests san¬guins, ce qui n'est pas le cas des NACOs.

Remplacement inutile de l'ancien traitement
Mais, comme l'indiquent les médecins biologistes dans leur courrier au ministère de la Santé, il y a une différence de taille entre les deux types de traitement. Si la gamme des AVKs peut également provoquer des hémorragies internes, on dispose alors d'un protocole bien rôdé pour éviter le drame. Ainsi, en cas d'accident avec le Previscan, un AVK régulièrement prescrit, les médecins peuvent injecter un antidote pour réduire l'hémorragie. Or, avec le Pradaxa, la nouvelle molécule NACO la plus employée, les praticiens se trouvent dépourvus d'antidote en cas d'hémorragie grave. Quel est alors l'intérêt de ces nou¬veaux anti¬coa¬gu¬lants ? Ils sont, dans des cas bien précis et limités, une alter¬na¬tive au trai¬te¬ment par AVK, précise le syndicat de biologistes sur son site. C'est donc leur emploi massif, qui tend à remplacer inutilement l'ancien traitement toujours efficace, qui pose problème.

Autre point soulevé par les professionnels, le prix de ces NACOs. Alors que l'ancien traitement coûtait 12,50 euros par mois, le nouveau revient à 70 euros. Ce qui pousse à s'interroger sur d'éventuelles pressions exercées par des firmes pharmaceutiques qui inciteraient à prescrire la nouvelle molécule au détriment de l'ancienne.

L'ANSM communique sur les NACOs
Selon le syndicat de biologistes médicaux, la situation est préoccupante. Notamment au vu de la multiplication des accidents mortels survenus au Japon et en Allemagne liés à l'emploi de ces NACOs. A tel point que les autorités sanitaires de deux pays émettent de plus en plus de réserves sur ces molécules. Et en France ? Jusqu'ici, aucune réserve sur leur emploi.
Avec toutefois une recommandation émise par l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) le 12 septembre : celle-ci rappelle "qu'il est essentiel d'utiliser ces médicaments dans le strict cadre des conditions de l'Autorisation de Mise sur le Marché, en respectant notamment les indications thérapeutiques, les posologies, les contre-indications, les mises en garde et précautions d'emploi ainsi que les interactions médicamenteuses". par Laurent Deschamps

voyez aussi:
=> XARELTO: un nouvel anticoagulant Bayer contesté / 58 décès en Allemagne
=> ANSM: Lettre aux professionnels de santé

LES NOUVEAUX ANTICOAGULANTS ORAUX, LE PROCHAIN MEDIATOR ?

Les biologistes médicaux, de plus en plus confrontés à la prescription de cette nouvelle classe thérapeutique très en vogue, tirent la sonnette d’alarme. L’absence d’antidote disponible fait de ces molécules une bombe à retardement.
Les nouveaux anticoagulants oraux (NACOs) sont des médicaments luttant contre la formation des caillots de sang,proposés en remplacement des antivitamines K (AVKs). Les AVKs sont prescrits au long cours chez 1 % de la population française pour des patients atteints de maladie thrombo-embolique (thrombose veineuse, embolie pulmonaire), de fibrillation auriculaire, porteurs de prothèse valvulaire (après une chirurgie cardiaque), de prothèses de genou ou de hanche. Leur efficacité a profondément amélioré le pronostic de millions de patients depuis leur introduction au décours de la Seconde Guerre mondiale. Revers de la médaille : ils peuvent provoquer de graves hémorragies (4000 morts par an en France, enquête AFSSAPS 1998) et nécessitent de ce fait un suivi contraignant, par la réalisation de tests sanguins fréquents (TP-INR), afin d’en surveiller l’efficacité.
Les NACOs ont été développés afin d’offrir le même bénéfice (éviter la formation de caillots de sang), tout en autorisant plus de liberté aux prescripteurs et in fine aux patients, car ne nécessitant (théoriquement) pas de suivi biologique au long cours.
Commercialisés en Europe dès 2008, les NACOs se sont très largement développés sur le marché français entre 2012 et 2013, au détriment des AVKs. Ainsi, sur le dernier trimestre 2012, parmi les 100 000 patients entreprenant un traitement anticoagulant, 57 % se sont vus prescrire un NACO en première intention. Par ailleurs et dans le même temps, les switchs d’un traitement par AVKs vers les NACOs ont concerné 35 000 patients, dont 35 % de personnes âgées de plus de 80 ans (rapport au ministre chargé de la Sécurité Sociale sur l’évolution des charges et des produits de l’Assurance Maladie au titre de 2014).

Ces données appellent plusieurs remarques :


Les accidents graves et mortels se multipliant, le Japon, de même que l’Allemagne (l’un des NACOs étant pourtant produit par un laboratoire pharmaceutique allemand, Bayer) émettent des réserves de plus en plus fortes quant à l’utilisation de ces médicaments. La France vient quant à elle (en dépit du principe de précaution) d’autoriser l’utilisation des NACOs dans la prise en charge de la fibrillation auriculaire, ce qui va considérablement accroître le nombre de patients traités et de ce fait le nombre d’accidents à déplorer.

Un nouveau scandale en puissance
L’autorisation de mise sur le marché est intervenue pour ces médicaments sans études adaptées. Ceux-ci n’apportent aucun bénéfice thérapeutique nouveau (ASMR V), sont potentiellement dangereux (risque hémorragique mortel) et ne possèdent ni antidote ni stratégie de prise en charge dans le cadre de l’urgence…
Leur prescription est croissante et démesurée, et a lieu hors recommandations médicales. Ce qui expose les malades à un nombre proportionnel d’effets indésirables graves et de décès.
Le Syndicat des Jeunes Biologistes Médicaux (SJBM) souhaite donc alerter le ministère de la Santé et l’interroger sur les mesures de santé publique et de sécurité sanitaire à prendre d’urgence afin d’éviter tout prochain scandale du médicament, et notamment sur l’intérêt d’inscrire les NACOs sur la liste des médicaments à prescription d’exception (ces nouveaux anticoagulants présentent néanmoins un intérêt comme alternative au traitement par AVK en cas de contre-indication ou lorsque le contrôle de l’anticoagulation est impossible) afin que toute instauration de traitement soit médicalement justifiée et qu’un recul suffisant sur ces nouveaux traitements anticoagulants et les accidents liés soit permis. C’est l’objet de leur lettre adressée ce jour à Marisol Touraine.
Lettre NACO SJBM Ministère de la Santé 19/09/2013